L'écrivain

L’écrivain est un être unique, exceptionnel, différent, rêveur, sujet aux angoisses et créateur.
En chacun de nous se cache un écrivain. Nos pensées sont toujours plus belles et secrètes que celles des autres. Chacun porte en soi une flamme de folie, cette imagination qui fait naître histoires et cauchemars à l’enfance. Celle qui fait naître espoirs et peurs à l’adolescence et qui étouffe avec la morosité de la vieillesse. Nous sommes tous à part, quelque part, même caché dans notre cœur. Nous trouvons parfois un semblable, dans le même autre part que le nôtre. Unique ne veut pas dire seul pour l’écrivain.
L’écrivain se ronge les sangs pour trouver les mots qu’il faut, ses mots. Sa création.
Personne ne peut vivre sans rien construire. Les plus heureux d’entre nous fondent des familles et regardent grandir leur tribu. Viennent ensuite ceux qui se dévouent corps et âme à une cause, un but, pour les autres ou pour eux-mêmes. Il y a aussi ceux que la vie condamne et rejette. Mais même les plus malheureux d’entre nous construisent ou créent de leurs mains : un toit pour s’abriter, des amitiés pour se réconforter, des rêves pour oublier, un espoir pour ne pas sombrer. L’écrivain crée pour les autres par égoïsme. Il offre sa création, car c’est un être égocentriquement altruiste.
L’écrivain voit, pense, interprète, rêve, change, soupçonne et crée.
Sous ses doigts et sa plume naissent mille et une merveilles. Des rêves qui n’existeront jamais que dans le cœur de ses lecteurs. Une vie tissée par ses mirages et sublimée par son âme. Il murmure ses secrets au papier qui les transmet à qui sait les apprécier. Tout le monde peut se confier pour créer. Encore faut-il avoir le courage de mettre des mots sur ses peurs et ses aspirations. N’oublions tout de même pas que l’écrivain est exceptionnel. Comme tout être qui voit un peu plus loin que les tréfonds de son âme, un peu plus profond que les méandres de sa pensée.
L’écrivain imagine, ressent, vit, s’essouffle, verse des larmes et crée.
Quand l’ombre s’étend sur les cœurs, nous baissons les yeux au lieu des les lever vers le ciel, nous laissons les larmes nous aveugler au lieu de regarder plus loin que l’océan et nous nous enfermons bien au chaud dans nos regrets, nos peurs et nos peines au lieu de laisser le vent les balayer et notre peau frissonner sous le brise trop fraîche. Et quand le soleil touche les visages, que sa chaleur envahit notre corps et que sa lumière inonde nos yeux, nous laissons la pluie nous apaiser et nous enfouissons ces paillettes dans notre cœur pour les goûter à nouveau dans les heures sombres, caramels sucré-salé de nos jeunes années, feu d’artifice dans la nuit sans étoiles. Un écrivain distribue ces caramels et allume ces feux. Pour les autres d’abord, pour lui ensuite. Il est peut-être plus humain, ou trop sensible, et lui comprends l’océan, vit la pluie et ressent le vent pour mieux fondre au soleil.
L’écrivain offre, reçoit, donne, reprend et crée en mourant à petits feux.
Son encre est son sang, son monde est son cœur, ses personnages sont sa vie, son style est son âme. Un écrivain ne triche ni ne ment, il révèle et invente. Et c’est son être en entier et tout ce qui l’a façonné qu’il livre à chacune de ses pages, chacune de ses lignes et chacun de ses mots. Ses rêves qu’il partage et offre sur un plateau d’argent. C’est la musique de son cœur battant qui chuchote des arcs-en-ciel à notre oreille, la douceur de ses doigts fébriles qui effleure notre joue où glisse l’émotion, la grâce de la flamme de sa passion qui danse devant nos yeux avides et sa fièvre qui nous plonge dans son océan et embrume notre esprit de ses délires.
Tout le monde peut être écrivain. Il faut juste avoir une tête, un cœur, une âme et des rêves pleins les trois.
Et du papier. Beaucoup de papier.